Si je demandais à l’ensemble des chrétiens « QUI SONT LES FONDATIONS DE L’ÉGLISE », il est fort probable qu’un bon nombre répondrait que ce sont les apôtres et leurs successeurs, ceux-là mêmes qui ont reçu pour mission de porter le message de Jésus et de son Évangile jusqu’aux confins de la terre. À n’en pas douter ce serait également la réponse de plusieurs pasteurs, quelque soit les niveaux hiérarchiques où ils se trouvent. Mais voilà que Paul, cet apôtre qui a établi les bases des premières communautés chrétiennes, donnant vie à l’institution ecclésiale, nous dit que les apôtres ne sont pas seuls, qu’il y a un autre partenaire tout aussi important, les prophètes. Ainsi, selon Paul, les apôtres avec les prophètes constituent les fondations de l’Église dont la pierre d’angle est Jésus lui-même. S’adressant aux chrétiens d’Éphèse, il a ces propos au sujet de l’édification de l’Église:
« Vous êtes intégrés dans la construction dont les fondations sont les apôtres et les prophètes, et la pierre d'angle Jésus-Christ lui-même. 21 C'est lui qui assure la solidité de toute la construction et la fait s'élever pour former un temple saint consacré au Seigneur. » (Ép. 2,20-21)
Cette référence de Paul aux apôtres et aux prophètes n’est pas sans rappeler la présence du prophète Élie et celle de Moïse lors de la transfiguration de Jésus. (Mc. 9, 2-4) Moïse n’est-il pas celui qui représente la Loi alors qu’Élie, représente le prophète qui révèle le sens et l’esprit de la Loi? Ainsi, la Loi sans la présence du prophète devient vite « lettre morte » alors que la prophétie sans enracinement dans l’esprit de la Loi devient vite charlatanisme?
Jésus, par rapport au Sanhédrin et aux grands prêtres qui en assumaient la direction, ne s’est-il pas fait prophète en rappelant sans cesse le sens à donner à la Loi révélée par Dieu qui ne peut, en aucun moment, être confondue avec les lois établies par les grands-prêtres eux-mêmes? Ainsi, l’homme n’est pas au service du sabbat, mais le sabbat au service de l’homme; il n’est pas venu pour sauver ceux qui se croient parfaits, mais ceux qui se savent pécheurs; le commandement de l’amour de Dieu et celui de l’amour du prochain renferment toute la loi et les prophètes. Ce sont là des correctifs que seul le prophète peut apporter et que l’apôtre doit prendre en compte.
Si la présence d’apôtres dans l’institution ecclésiale ne fait pas de doute, il n’en va pas de même pour la présence des prophètes. En effet, quelle est la place qu’ils y occupent en tant qu’un des deux piliers de l’Église ? Ils sont évidemment présents un peu partout dans les communautés de base, dans les divers milieux ecclésiaux, dans les universités, mais qu’elle place leur reconnaît-on, en tant que prophètes, dans l’organisation et la vie de l’Église? Constituent-ils une référence aussi digne que celle des apôtres? Leur donne-t-on la parole dans les instances les plus élevées du pouvoir? Peuvent-ils s’improviser et prendre eux-mêmes la parole dans ces mêmes milieux sans devoir demander la permission et encore moins demander ce qu’ils doivent dire ou pas? Pourrait-on imaginer un conclave composé d’autant de prophètes que d’apôtres?
Comment peut-on discerner le vrai prophète du charlatan? Déjà Paul nous donne quelques indices, d’abord que sa parole « soit en accord avec la foi » (Rm. 12,6), et en second lieu que la communauté des croyants y reconnaisse la foi qui les fait vivre. « Quant aux prophéties, dit Paul, que deux ou trois prennent la parole et que les autres jugent… » (1Cor. 14,29). À ces indices, nous pourrions ajouter que les véritables prophètes sont profondément engagés dans leur foi, témoignent par leur vie des valeurs du détachement, du partage, du don de soi allant parfois jusqu’à la mort. Leur parole n’est pas monnayable pas plus que leur vie. Pour n’en citer que quelques uns je mentionnerai l’abbé Pierre, maintenant décédé, qui a rappelé au Sanhédrin d’aujourd’hui que l’Église ne se vivait pas dans la sacristie mais dans les quartiers pauvres avec les sans abris. Dans cette même lancée nous pouvons mentionner ces prophètes en Amérique latine qui ont décloisonné la théologie traditionnelle pour en faire une Parole vivante de libération et de salut au service des plus démunis. C’est évidemment le cas de Mgr Romero et de Dom Elder Camara, mais aussi du père Ernesto Cardenal, et de la grande majorité des théologiens de la libération, dont plusieurs ont été assassinés. Plus près de nous, il y a Jean Vanier, ce témoin vivant de Jésus dans notre monde. Il partage sa vie avec des handicapés intellectuels et en leur nom et au nom de Jésus, il prend la parole pour rappeler là où est Dieu et là où il se laisse rencontrer. Chacun peut poursuivre en identifiant ces vrais prophètes qui sillonnent les quartiers de nos cités et qui prennent la parole.
L’histoire nous confirme malheureusement que ces prophètes sont souvent mis à l’écart, persécutés et, dans certains cas, exécutés sous les regards silencieux de ceux-là mêmes avec qui ils partagent les fondations de l’Église. De quoi faire réfléchir le Pape, les Évêques, les prêtres et tous les croyants. Sommes-nous de ceux qui faisons taire les prophètes ou de ceux qui, comme Nicodème, s’en approchons pour mieux comprendre le sens de ce que nous vivons ? L’institution ecclésiale leur laisse-t-elle l’espace qui leur permet d’exercer pleinement leur fonction? Il est évident qu’ils ne relèvent pas des apôtres pas plus que les apôtres d’eux, mais de Jésus, pierre d’angle de l’Église. N’est-ce pas en s’ouvrant aux messages des prophètes que l’Église retrouvera toute sa vitalité? Les communautés chrétiennes des cinq continents ne pourraient-elles pas identifier elles-mêmes ces prophètes porteurs d’un message qui révèle le sens de l’engagement chrétien pour les temps que nous vivons? Ainsi nous pourrions avoir 122 cardinaux et 122 prophètes pour choisir le successeur de Pierre. De quoi donner de l’Église une toute autre image. Le seul fait de penser que les communautés chrétiennes soient mises à contribution dans la délégation des prophètes, comme le suggère Paul lorsqu’il dit « que les croyants jugent », donne immédiatement une idée de l’ouverture à une nouvelle ère d’Église.
Oscar Fortin
27 juillet 2008
http://humanisme.blogspot.com/
http://humanisme.over-blog.com/
« Vous êtes intégrés dans la construction dont les fondations sont les apôtres et les prophètes, et la pierre d'angle Jésus-Christ lui-même. 21 C'est lui qui assure la solidité de toute la construction et la fait s'élever pour former un temple saint consacré au Seigneur. » (Ép. 2,20-21)
Cette référence de Paul aux apôtres et aux prophètes n’est pas sans rappeler la présence du prophète Élie et celle de Moïse lors de la transfiguration de Jésus. (Mc. 9, 2-4) Moïse n’est-il pas celui qui représente la Loi alors qu’Élie, représente le prophète qui révèle le sens et l’esprit de la Loi? Ainsi, la Loi sans la présence du prophète devient vite « lettre morte » alors que la prophétie sans enracinement dans l’esprit de la Loi devient vite charlatanisme?
Jésus, par rapport au Sanhédrin et aux grands prêtres qui en assumaient la direction, ne s’est-il pas fait prophète en rappelant sans cesse le sens à donner à la Loi révélée par Dieu qui ne peut, en aucun moment, être confondue avec les lois établies par les grands-prêtres eux-mêmes? Ainsi, l’homme n’est pas au service du sabbat, mais le sabbat au service de l’homme; il n’est pas venu pour sauver ceux qui se croient parfaits, mais ceux qui se savent pécheurs; le commandement de l’amour de Dieu et celui de l’amour du prochain renferment toute la loi et les prophètes. Ce sont là des correctifs que seul le prophète peut apporter et que l’apôtre doit prendre en compte.
Si la présence d’apôtres dans l’institution ecclésiale ne fait pas de doute, il n’en va pas de même pour la présence des prophètes. En effet, quelle est la place qu’ils y occupent en tant qu’un des deux piliers de l’Église ? Ils sont évidemment présents un peu partout dans les communautés de base, dans les divers milieux ecclésiaux, dans les universités, mais qu’elle place leur reconnaît-on, en tant que prophètes, dans l’organisation et la vie de l’Église? Constituent-ils une référence aussi digne que celle des apôtres? Leur donne-t-on la parole dans les instances les plus élevées du pouvoir? Peuvent-ils s’improviser et prendre eux-mêmes la parole dans ces mêmes milieux sans devoir demander la permission et encore moins demander ce qu’ils doivent dire ou pas? Pourrait-on imaginer un conclave composé d’autant de prophètes que d’apôtres?
Comment peut-on discerner le vrai prophète du charlatan? Déjà Paul nous donne quelques indices, d’abord que sa parole « soit en accord avec la foi » (Rm. 12,6), et en second lieu que la communauté des croyants y reconnaisse la foi qui les fait vivre. « Quant aux prophéties, dit Paul, que deux ou trois prennent la parole et que les autres jugent… » (1Cor. 14,29). À ces indices, nous pourrions ajouter que les véritables prophètes sont profondément engagés dans leur foi, témoignent par leur vie des valeurs du détachement, du partage, du don de soi allant parfois jusqu’à la mort. Leur parole n’est pas monnayable pas plus que leur vie. Pour n’en citer que quelques uns je mentionnerai l’abbé Pierre, maintenant décédé, qui a rappelé au Sanhédrin d’aujourd’hui que l’Église ne se vivait pas dans la sacristie mais dans les quartiers pauvres avec les sans abris. Dans cette même lancée nous pouvons mentionner ces prophètes en Amérique latine qui ont décloisonné la théologie traditionnelle pour en faire une Parole vivante de libération et de salut au service des plus démunis. C’est évidemment le cas de Mgr Romero et de Dom Elder Camara, mais aussi du père Ernesto Cardenal, et de la grande majorité des théologiens de la libération, dont plusieurs ont été assassinés. Plus près de nous, il y a Jean Vanier, ce témoin vivant de Jésus dans notre monde. Il partage sa vie avec des handicapés intellectuels et en leur nom et au nom de Jésus, il prend la parole pour rappeler là où est Dieu et là où il se laisse rencontrer. Chacun peut poursuivre en identifiant ces vrais prophètes qui sillonnent les quartiers de nos cités et qui prennent la parole.
L’histoire nous confirme malheureusement que ces prophètes sont souvent mis à l’écart, persécutés et, dans certains cas, exécutés sous les regards silencieux de ceux-là mêmes avec qui ils partagent les fondations de l’Église. De quoi faire réfléchir le Pape, les Évêques, les prêtres et tous les croyants. Sommes-nous de ceux qui faisons taire les prophètes ou de ceux qui, comme Nicodème, s’en approchons pour mieux comprendre le sens de ce que nous vivons ? L’institution ecclésiale leur laisse-t-elle l’espace qui leur permet d’exercer pleinement leur fonction? Il est évident qu’ils ne relèvent pas des apôtres pas plus que les apôtres d’eux, mais de Jésus, pierre d’angle de l’Église. N’est-ce pas en s’ouvrant aux messages des prophètes que l’Église retrouvera toute sa vitalité? Les communautés chrétiennes des cinq continents ne pourraient-elles pas identifier elles-mêmes ces prophètes porteurs d’un message qui révèle le sens de l’engagement chrétien pour les temps que nous vivons? Ainsi nous pourrions avoir 122 cardinaux et 122 prophètes pour choisir le successeur de Pierre. De quoi donner de l’Église une toute autre image. Le seul fait de penser que les communautés chrétiennes soient mises à contribution dans la délégation des prophètes, comme le suggère Paul lorsqu’il dit « que les croyants jugent », donne immédiatement une idée de l’ouverture à une nouvelle ère d’Église.
Oscar Fortin
27 juillet 2008
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