« ON NE PEUT CROIRE EN JÉSUS SANS
L’ÉGLISE » ?
Cette
déclaration du pape François, « on
ne peut croire en Jésus sans l’Église », a de quoi faire réfléchir sur la pensée
théologique qui l’inspire. Elle n’est pas sans faire référence à cette autre
expression, longtemps enseignée, « hors
de l’Église, point de salut ».
Dans sa même intervention, il a également ces affirmations « il est absurde de prétendre vivre avec
Jésus sans l’Église » ou encore « rencontrer Jésus hors de l’Église n’est pas possible ».
De
toute évidence, le mot Église doit
être libéré de bien des assertions pour que ces paroles du pape François
trouvent une certaine consistance. Elles doivent pouvoir s’harmoniser avec ces autres paroles, entre autres, du jugement
dernier qui ne font aucune référence à quelque foi que ce soit ou encore à ces
propos de l’apôtre Jacques qui met en dialogue celui qui se réclame de la foi
avec celui qui se réclame des œuvres.
Dans le cas du jugement dernier, Jésus déclare sauvés ceux qui ont donné à
manger à ceux qui avaient faim, qui ont visité les malades, accueilli les
étrangers, vêtu ceux qui étaient nus, etc. Il ne leur demande même pas s’ils le
faisaient parce qu’ils croyaient en lui. Il ne parle ni d’Église, ni de
sacrements ni de foi. « Mt, 23, 34-45)
À ceux placés à sa droite, il dira «Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le
Royaume qui vous a été préparé depuis la
fondation du monde. Car j'ai eu faim et vous m'avez donné à manger, j'ai eu
soif et vous m'avez donné à boire, j'étais un étranger et vous
m'avez accueilli, nu, et vous m'avez vêtu, malade, et vous
m'avez visité, prisonnier et vous êtes venus me voir.” Alors les
justes lui répondront : «Seigneur, quand nous est-il arrivé de te voir affamé et de te
nourrir, assoiffé, et de te désaltérer, étranger, et de t'accueillir, nu, et de te vêtir, malade ou
prisonnier et de venir te voir?» Et le Roi leur fera cette réponse : «En vérité, je vous le
dis, dans la mesure où vous l'avez fait à l'un de ces
plus petits de mes frères, c'est à moi que vous l'avez
fait.”
À ceux placés à sa gauche, il dira : «Allez loin de moi,
maudits, dans le feu éternel qui a été préparé pour le diable
et ses anges (…) Alors ceux-ci lui demanderont à leur tour : «Seigneur, quand
nous est-il arrivé de te voir affamé ou assoiffé, ou nu, malade
ou prisonnier, et de ne te point secourir?» Alors il leur répondra : «En vérité je vous le dis,
dans la mesure où vous ne l'avez pas fait à l'un de ces plus petits, à moi non plus
vous ne l'avez pas fait.’
Dans
le cas du dialogue de la foi et des oeuvres, dont nous parle l’apôtre Jacques, nous
retrouvons ceci : (Jacques, 2, 14-20)
‘À quoi cela
sert-il, mes frères, que quelqu'un dise : ‘J'ai la foi’, s'il n'a pas
les œuvres? La foi peut-elle le sauver? Si un frère ou une sœur sont nus,
s'ils manquent de leur nourriture quotidienne, et que l'un d'entre vous leur
dise : ‘Allez en paix, chauffez-vous, rassasiez-vous’, sans leur donner ce
qui est nécessaire à leur corps, à quoi cela sert-il? Ainsi en est-il de la foi : si elle n'a
pas les œuvres, elle est tout à fait morte. Au contraire, on dira : ‘Toi, tu as la
foi, et moi, j'ai les œuvres? Montre-moi ta foi sans les œuvres; moi,
c'est par les œuvres que je te montrerai ma foi. Toi, tu crois qu'il y a un seul Dieu? Tu
fais bien. Les démons le croient aussi, et ils tremblent. Veux-tu savoir, homme insensé, que la foi
sans les œuvres est stérile? ’
À la lumière de ces deux ‘dialogues’, celui du
Ressuscité avec tous les humains de la terre et celui du croyant et du non croyant,
il saute aux yeux que tous les discours sur la foi, l’Église et le salut
doivent s’harmoniser et s’ajuster au contenu de ces deux dialogues. Autrement nous risquerions de
nous laisser emporter par des considérations doctrinales qui iraient à l’encontre de ces
données fondamentales de la révélation.
Bref commentaire :
Il est curieux d’entendre le pape
François reprendre ce genre de discours sur l’Église, lui qui, il n’y a pas encore
si longtemps, déclarait aux cardinaux lors des consistoires préparatoires au conclave ce
qu’il pensait de l’état actuel de l’Église et les gestes à poser pour qu’elle retrouve sa véritable mission.
Le premier de ces points,
porte sur l’évangélisation et exprime la nécessité pour l’Église de sortir
d’elle-même et d’aller aux périphéries, non seulement géographiques, mais aussi
existentielles, manifestées, entre autres, dans le mystère du péché, de la
douleur, de l’injustice et de l’ignorance,
Le point deux signale une critique à une Église
“autoréférentielle”, qui se regarde elle-même dans une sorte de “narcissisme
théologique”, la séparant du monde tout en prétendant détenir Jésus Christ à
l’intérieur d’elle-même, sans toutefois l’en laisser sortir.
Il résulte de cela deux images de l’Église : la
première est “l’église évangélisatrice qui sort de soi” et la seconde est
“l’Église mondaine qui vit en soi, de soi et pour soi. C’est cette prise de
conscience de ces deux églises qui doit éclairer les possibles changements et
les réformes à faire dans l’Église.
Celui qui aura à prendre le siège de Pierre devra être un
homme qui, à partir de la contemplation de Jésus-Christ, aide l’Église à sortir
d’elle-même pour aller vers les périphéries existentielles. »
Souhaitons
qu’il résiste aux multiples influences conservatrices qui l’entourent et qu’il
maintienne le cap sur une vision du monde au cœur duquel nous attend tous et
toutes le ressuscité.
Oscar
Fortin
Québec,
le 24 avril 2013