Nombreux sont
les pays qui s’identifient au néolibéralisme et qui en font une option
fondamentale de liberté et de développement. Les deux colonnes sur lesquelles
il repose sont, pour l’essentiel, la démocratie et la libre entreprise. En
leurs noms, de nombreux gouvernements ont été renversés. Parfois, c’était en
invoquant le caractère anti-démocratique et dictatorial de certains
gouvernants, mêmes élus par leur peuple, tantôt c’était des contraintes
inacceptables, imposées à la libre entreprise.
Alors qu’en
est-il vraiment de ces deux colonnes ?
D’abord,
parlons de la démocratie, de cette démocratie dont nos ténors politiques
sont si fiers. Qu’a-t-elle de vraiment démocratique ? Quelle est la place qu’elle
accorde au peuple dans l’exercice des pouvoirs de l’État ? De fait, comment
parler de démocratie sans parler de ce pouvoir du peuple pour le peuple ?
Pour nous en
tenir qu’au Canada, sachant que sa réalité démocratique se retrouve dans à peu
près tous les pays de même inspiration, le premier ministre Harper a l’entière
maîtrise des pouvoirs de l’État canadien avec 25 % de son
électorat et avec moins de 40 % de ceux et celles qui sont allés aux urnes
pour voter. C’est dire que 75 % de l’électorat canadien, donc une grosse
majorité, peut ne pas se reconnaître dans l’exercice actuel du pouvoir de
l’État. Il en va de même pour les 61 % de ceux et celles qui votèrent contre le parti politique de M. Harper.
Les
39 %, ayant voté pour les candidats de son parti, lui assurent les pleins
pouvoirs politique d’un gouvernement majoritaire, sans, pour autant, faut-il le
noter, avoir eux-mêmes une emprise sur ce pouvoir. Il est vrai que leurs élus
les représentent, mais ce sera en suivant la ligne du parti lequel suivra la
ligne du premier ministre et de son exécutif, lesquels suivront la ligne de leurs
mentors oligarchiques ainsi que celle de leur puissant voisin, les États-Unis.
Le peuple viendra en tout dernier lieu.
Entre le
pouvoir du peuple et celui de l’État, il y a toute une mécanique qui fait en
sorte que le peuple garde l’illusion d’une participation démocratique à son
devenir politique, économique, social et culturel. Dans les faits, les principaux
partis politiques sont des outils de première main, permettant à certains
groupes puissants d’en contrôler la constitution, les orientations et tout
particulièrement les leaders. Pour ce faire, il y a l’argent, les médias, la
corruption et tout ce qui va avec.
Là où les
résultats anticipés ne font pas problème, la mécanique électorale fonctionne
normalement. Là où de sérieux problèmes peuvent se présenter, des mécanismes
plus sophistiqués d’intervention sont mis en place. Le cas des dernières élections
présidentielles au Mexique en est une bonne illustration. Beaucoup d’autres
exemples pourraient illustrer ce type d’interventionnisme.
Que dire
maintenant de la libre entreprise ?
De plus en
plus d’exemples démontrent que la collusion entre les grands conglomérats
annule les effets bénéfiques de la compétitivité. On nous laisse l’illusion
d’une certaine compétitivité par de multiples procédés dont le marketing des
spéciaux de fin de semaine ou, comme pour l’essence, d’une variation des prix
d’une région à une autre. Dans ce dernier cas on s’assurera que les régions soient
suffisamment éloignées les unes des
autres pour ne pas attirer les consommateurs de l’autre région.
Ce sont là
des mesures à la périphérie du système, n’ayant pour but que de laisser
l’illusion du grand bienfait de la liberté d’entreprise. Ce qui faisait
l’orgueil du capitalisme originel, l’offre et la demande, est devenu une
mise en scène qui ne garde de la réalité que les apparats.
Que nous
révèle la Commission
Charbonneau ?
Elle nous
démontre que les partis politiques, dans leur ensemble, sont des noyautages qui
permettent aux intervenants privés de s’attacher les futurs élus aux fins de
leurs propres intérêts. Ce sont ces partis, avec leurs élus grassement
financés, qui auront à livrer la marchandise attendue.
Nous sommes
loin du pouvoir du peuple pour le peuple. C’est plutôt le pouvoir des oligarchies
pour les oligarchies.
Ce n’est pas
pour rien que tout le système étatique est bâti sur une constitution, écrite
par ces oligarchies, et à propos de laquelle le peuple n’a eu rien à dire. Ça
s’appelle la démocratie représentative, sans toutefois préciser de qui elle est
représentative.
La Commission
Charbonneau nous révèle que le principe de l’offre et de la demande, a été
complètement contourné par la collusion des principaux intéressés. À ce chapitre
le Québec ne fait pas exception et aucun État n’y échappe.
Conclusion
Si encore le néolibéralisme
se révélait sur la base de ses principes de liberté, de générosité et de saine
compétition, nous pourrions en mesurer l’efficacité et ses bienfaits, mais tel
n’est pas le cas.
Avec l’éveil
des peuples, nous comprenons mieux maintenant pourquoi ces oligarchies veulent
réduire l’État, cet outil unique dont dispose les peuples pour œuvrer au bien
commun de l’ensemble de la collectivité. Elles savent que les intérêts des
peuples ne sauraient se subordonner à leurs intérêts corporatifs et qu’elles
devront subordonner leurs propres intérêts aux impératifs du bien commun de la
collectivité.
La liberté
des uns n’a-t-elle pas pour frontière les droits des autres. Dans le cas
présent, le droit des autres, c’est celui du peuple. D’ailleurs ce principe
devrait s’imposer à tous les acteurs d’une société.
Il est urgent
de lever le voile sur ce grand mirage du néolibéralisme qui n’a rien de néo (généreux)
ni de libéralisme (liberté).
Certains
peuples ont décidé de reprendre en main et leur démocratie et leur libéralisme
économique. Leur premier geste, en arrivant au pouvoir, a été d’écrire une
constitution qui soit à leur image et qui corresponde à leurs intérêts.
Le peuple
québécois a des choix à faire et il les fera lorsqu’il en aura pleinement
conscience. À nous d’y travailler. Un leader
sans peuple est sans ressource et un peuple sans leader est sans guide.
Oscar Fortin
Québec, le 29
janvier 2013