Que le cardinal Ouellet accède à une des plus hautes fonctions de l’administration Vaticane est en soi un honneur pour lui et pour le Québec. Dans ce monde d’hommes où les ambitions cachées et les luttes de pouvoir en sourdine alimentent le quotidien, c’est déjà tout un exploit de s’y tailler une place pour en partager l’ «autorité ». Ça démontre que le personnage a un certain sens du pouvoir et qu’il sait en disposer en fonction de ses ambitions.
Si le Vatican a de moins en moins de poids dans le quotidien de la vie des chrétiens, il continue d’en avoir beaucoup pour les grandes puissances de l’Occident chrétien. Ces dernières savent se l’associer dans leurs projets de conquêtes et de domination. On dit, par exemple, qu’en Amérique latine aucun coup d’État n’est possible sans l’accord tacite du Vatican et de ceux qui en assurent la représentation dans ces pays. Il en fut ainsi, à quelques exceptions près, pour l’ensemble de ces pays qui ont vécu sous des régimes militaires et des dictatures. Le Vatican y représente un poids politique incontestable dont les oligarchies et les puissances qui les couvrent se gardent bien de se le mettre à dos. Le dernier cas est celui du cardinal du Honduras qui s’est porté à la défense du coup d’État militaire du 28 juin dernier.
La nomination du cardinal Marc Ouellet comme Préfet à la Congrégation des évêques constituera donc une bonne nouvelle pour les Puissances politiques du bloc occidental. Elles trouveront en lui l’homme qui saura faire le tri entre les candidatures à risques et celles sur lesquelles ces Puissances pourront compter. Elles n’auront pas à craindre l’arrivée de nouveaux évêques susceptibles de soutenir la flamme de changements radicaux dans l’organisation sociale, politique et économique des pays pauvres et émergents. Avec Marc Ouellet, elles pourront dormir tranquilles.
Du point de vue de l’institution ecclésiale, il ne fait pas de doute que les fidèles de l’Opus dei et ceux qualifiés de « traditionnalistes » se réjouiront également de l’arrivée du cardinal Ouellet à la tête de la Congrégation des évêques. Par lui et avec lui ils pourront garder le contrôle sur la nomination des évêques tout autant que sur les orientations doctrinales et pastorales de ces derniers. Que les communautés chrétiennes se le tiennent pour dit : ils auront des évêques « clonés » qui reproduiront la même image, le même contenu et la même ouverture d’esprit à laquelle l’institution ecclésiale nous a habitués depuis la mise en veilleuse de l’ouverture au monde amorcée par le concile Vatican II.
Pour ceux et celles qui vivent dans leur quotidien l’Évangile, qui se frottent aux dures réalités de la pauvreté, du désespoir, de l’isolement, de la souffrance et qui cherchent cette communauté de vie et d’espérance, cette nomination ne présage rien de bon. Cette dernière est encore très loin de ces premières communautés chrétiennes qui choisissaient elles-mêmes leurs évêques et qui participaient à l’organisation et à la vie de l’Église.
Entre l’État du Vatican et l’Église, il y a un fossé qui, loin de se rétrécir, s’agrandit de plus en plus. Le premier parle de la nécessaire conversion des chrétiens à la nomenclature ecclésiale avec ses personnages, sa doctrine, ses liturgies, son fonctionnement de haut en bas. Les communautés chrétiennes (Église), pour leur part, parlent de conversion aux valeurs évangéliques et à la modernité où elles doivent se vivre. Dans ce dernier cas le mouvement va de bas en haut.
Deux mondes dont la réconciliation ne saurait être possible qu’à deux conditions : d’abord un retour radical aux sources fondamentales du christianisme, à savoir Jésus de Nazareth et les Évangiles et en second lieu une ouverture active au monde dans lequel nous vivons.
Un long et profond travail de décapage s’impose pour retrouver l’original de la révélation chrétienne et l’inspiration première de l’Humanité nouvelle à bâtir.
Oscar Fortin
Québec, le 21 juin 2010