BENOÎT XVI ET G.W.BUSH
Le décorum de cette visite ainsi que sa mise à la UNE des médias à travers le monde me posent, comme croyant en Jésus de Nazareth, de nombreux problèmes. D’abord, je n’arrive vraiment pas à y reconnaître ce Jésus des Évangiles. N’a-t-il pas dit « non » au maître du monde qui lui offrait tous les royaumes de la terre en échange de sa soumission ? Ne s’en est-il pas remis constamment à son Père pour assurer sa sécurité ? N’a-t-il pas toujours disposé de cette liberté lui permettant de proclamer, sans acception des personnes, les grandes valeurs qui se retrouvent dans le sermon sur la montagne et dans les Évangiles ?
Dans le cas présent, nous sommes plutôt témoins de la grande complicité qui unit Benoît XVI à celui qui domine actuellement le monde, G.W.Bush. Nous voyons que les mesures de sécurité mises en place (autos blindés, soldats aux aguets, contrôle des foules) ne témoignent aucunement de la foi dans le pouvoir du Père de protéger lui-même son envoyé. Nous constatons que les sujets traités et le langage utilisé n’ont pas beaucoup à voir avec celui des Évangiles qui qualifie l’amour, la vérité, la justice, la paix, la foi, l’espérance de manière à sortir ces mots de leur généralité pour en faire des engagements qui ne trompent pas.
Pourtant, au moment où se réalise cette visite, le monde vit de graves problèmes qui affectent des centaines de millions de personnes, toutes créatures de Dieu. Sans être exhaustif, qu’il suffise d’en relever quelques uns.
Il y d’abord cette crise alimentaire créée par un choix des grandes puissances dont, en premier chef, l’actuel Président des États-Unis : transformer des productions alimentaires en carburant. Ce plan est devenu réalité au moment de son acceptation par l’Administration Bush, le 26 mars 2007. Certains lecteurs et lectrices de Prensa Latina se souviendront que Fidel Castro avait alors écrit une réflexion sur le sujet qu’il avait couvert du titre : « Condamnés à mourir prématurément de faim et de soif trois milliards d’humains ». Derrière ce plan, F. Castro identifie les consortiums pétroliers, les grands producteurs agraires et l’industrie automobile.
À ceci s’ajoutent ces tensions qui existent entre l’Administration Bush et plusieurs pays latino-américains qui ont choisi de reprendre en main, par des voies démocratiques, leur destin et celui de leur population. Déjà nous connaissons le cas de la révolution cubaine, soumise depuis plus de 50 ans à un blocus économique qualifié d’immoral par le nouveau secrétaire d’État du Vatican. Dans ce dernier cas il y a le refus systématique de la part de l’actuelle administration de résoudre les litiges en cause par les voies diplomatiques. Aucune ouverture de ce côté. Il y a le Venezuela qui ne cesse de mettre à jour les plans développés par l’actuelle administration pour renverser par des moyens non démocratiques le gouvernement démocratiquement élu. Il en va de même pour la Bolivie dont le principal adversaire aux changements voulus par le gouvernement, démocratiquement élu, est l’actuelle administration Bush. Que dire de l’Équateur et de la toute prochaine élection au Paraguay dont le candidat, donné pour gagnant, est un ancien évêque. Tous les efforts de l’actuelle administration sont déployés pour faire échouer et le gouvernement de l’Équateur dans ses réformes et l’élection de Fernando Lugo à la présidence du Paraguay. Ces gouvernements sont tous tournés vers le respect des plus démunis et la mise en place de structures permettant le développement de la santé, de l’éducation et de la participation politique et sociale financé par la prise de contrôle des richesses nationales.
Que dire de ces dizaines de milliers de personnes qui tombent sous les balles de militaires étrangers tant en Irak, qu’en Palestine et en Afghanistan. Des conflits qui n’existent que grâce aux investissements militaires de l’actuelle administration Ce sont 3 000 milliards de dollars qui y ont été investis, selon le prix Nobel d’économie, Joseph Stiglitzl. La journée même où la Maison blanche chantait bonne fête à Benoît XVI et que ce dernier recevait avec émotion ces marques d’affection, cette même Maison Blanche insistait auprès du Congrès pour qu’il débloque 70 milliards $ en soutien à son effort de guerre en Irak. Ce sont des centaines de milliers de vie humaine qui y sont sacrifiées. Pourtant le Président Bush n’a-t-il pas uni sa voix à Benoît XVI pour déclarer que toute vie humaine est sacrée. Pourquoi alors autant d’armes pour les tuer?
Enfin, comment ne pas soulever la question de la concentration des médias de communication entre les mains des plus puissants. Ne disposent-ils pas du pouvoir de transformer la vérité en mensonge et le mensonge en vérité? Ils peuvent convertir un saint en diable et un diable en saint. Ils ont finalement le dernier mot pour décider de ce qui est bien et de ce qui est mal. La morale est entre leurs mains. Les consommateurs de ces médias n’ont d’autres références que ce que l’on veut bien leur dire.
Voilà bien rapidement des questions qui ne peuvent échapper à celui qui se présente comme le représentant de Jésus de Nazareth dans le temps présent. Sa mission n’est-elle pas de prendre, avec la liberté évangélique, la parole au nom de ces centaines de millions de personnes qui souffrent les effets désastreux de systèmes qui les maintiennent dans la dépendance, la tromperie et le sous développement? Si les mots justice, vérité et paix ont un sens c’est bien lorsqu’on les rend accessibles à tous les humains de la terre et non pas à une élite qui en déforme inévitablement leur sens évangélique. Qui, mieux que le représentant de la catholicité, peut porter ce message de l’universalité des droits? Et pourtant !
En ce troisième jour de l’arrivée de Benoît XVI les problèmes qui retiennent particulièrement son attention ne sont pas tellement ceux mentionnés plus haut mais ceux reliés à l’Institution ecclésiale. La question de la sexualité chez les prêtres et celle de la morale institutionnelle occupent une place importante. S’il parle du terrorisme il se garde bien de parler du terrorisme d’État. Ça pourrait déplaire à son celui qui lui a réservé un accueil aussi chaleureux. Il invite évidemment à résoudre les problèmes par voie diplomatique, mais son appel n’indispose pas ses hôtes qui comprennent cet appel comme une invitation aux terroristes d’abandonner leurs armes.
En somme une mise en scène qui a discrètement écarté les contestataires pour ne laisser apparaître que la grande harmonie d’une famille unie par la pensée, la foi et l’action. Le Vatican y était, mais l’Église, portée par le Christ et son Esprit, poursuivait sa route au milieu des pauvres et déshérités de la terre à la manière d’un ferment dans la pâte.
Oscar Fortin
17 avril 2008