Pendant
que le Conseil de sécurité des Nations unies convoque à tout moment ses membres
pour voter des résolutions contre le président Al Assad et son gouvernement en
Syrie, considérés comme les seuls
responsables des crimes qui s’y commettent, en Colombie, les Forces armées
révolutionnaires, armée du peuple (FARC-EP) ont entamé depuis octobre 2012, des négociations
de paix dont parlent très peu nos médias.
Dans
le cas de la Syrie, les pays de l’OTAN, sous contrôle des États-Unis, ont formé
et reconnu une opposition armée sous la direction de recrues vivant à
l’extérieur du pays qu’ils arment et soutiennent dans leurs luttes armées
contre le gouvernement Al Assad. L’OTAN œuvre au côté de l’armée d’opposition
syrienne, ignorant le caractère institutionnel et légitime de l’actuel
gouvernement. Les médias
occidentaux mettent tout en œuvre pour diffuser la version officielle de
l’OTAN sur ce conflit.
Dans
le cas de la Colombie, les représentants des FARC -EP ont accepté de s’asseoir
à une même table avec les représentants du gouvernement pour ouvrir la voie à
la paix, fondée sur la justice et le pouvoir du peuple. Dès le départ, ils ont annoncé
unilatéralement une trêve de cessez-le- feu
de deux mois que le gouvernement Santos a rejetée en disant qu’il n’y aurait
aucune trêve de la part de l’armée colombienne tant et aussi longtemps
qu’existera un seul terroriste visant la sécurité de l’État.
Une
attitude du Président peu conciliante avec la volonté d’une paix consentie de
part et d’autre. Nos médias se sont faits plutôt discrets sur l’approche donnée
par les révolutionnaires armées colombiennes à ces négociations de paix ainsi
que sur la décision du Président de maintenir l’offensive militaire contre ces
insurgés.
Lors
d’une entrevue récente avec les trois principaux chefs des FARC-EP dans les
présentes négociations, l’un d’eux révèle les motifs qui ont justifié leur engagement
dans ce processus de négociations de paix avec le Gouvernement.
« Dans l’échange de courrier que nous avons eu au début, le président
Santos nous a déclaré qu’il souhaitait ouvrir la voie à une véritable
démocratie en Colombie. Nous avons dressé l’oreille, car nous n’avons jamais
dit que la lutte armée était le seul moyen de transformer ce pays. Nous avons
pris les armes et poursuivons le combat parce que toute participation politique
nous était interdite par la violence.
Si une possibilité nous est donnée de faire de la politique légalement et
avec les mêmes droits, sans courir en permanence le risque d’être assassinés,
et si des réformes politiques visant à instaurer en Colombie une démocratie
participative sont mises en place, nous sommes partants. Car cela permettrait
de créer un rapport de forces favorable au mouvement révolutionnaire, afin de
mettre en chantier les changements radicaux indispensables. Nous acceptons ce
défi »
Voir
ici
le texte intégral de cette entrevue dans sa traduction française.
OÙ EN EST-ON DANS CES POURPARLERS DE PAIX?
Il
faut rappeler que la table des négociations a été décidée dans le cadre de cinq
grands thèmes : le thème agraire, celui de la participation politique,
l’attention à accorder aux victimes de ce conflit, la question des drogues et
des narcotrafiquants et la fin du conflit armé.
Sur le premier point, un accord a été
conclu après les quatre premiers mois de négociations. Un accord salué par de
nombreux pays, dont la France.
Le second
point, portant sur la participation politique, est un des points les plus
sensibles et celui où, de part et d’autre, les négociateurs devront faire
preuve d’astuces et de stratégie. Ce point se doit d’aborder la mise en place
d’une constituante, ce que veulent les représentants des FARC-EP, mais que doit
contourner le gouvernement, s’il ne veut pas ouvrir la porte à un changement de
régime. Déjà, le président Santos s’est prononcé contre la constituante.
Les
négociations en sont rendues à ce point précis. La semaine passée, le
gouvernement a soumis un projet de loi au sénat pour rendre possible
l’inscription d’un vote référendaire sur les accords de paix lors des
prochaines élections législatives et sénatoriales, prévues au printemps 2014.
Selon ce projet de loi, il y aurait une
case sur le bulletin de vote pour demander aux électeurs et électrices s’ils
sont d’accord avec l’accord de paix.
Pour les
FARC-EP l’accord de paix ne peut se ramener à un oui ou à un non sur un
bulletin de vote destiné à élire les représentants à l’Assemblée législative et
au Sénat. Pour eux, il s’agit d’un accord qui interpelle toutes les composantes
de la société colombienne, non seulement les électeurs et électrices, mais
aussi les diverses composantes représentatives de la société.
Cette
procédure unilatérale et sans contenu précis a semé le doute chez les FARC-ELN
et ils ont demandé un temps d’arrêt pour réfléchir à la
question.
Dès, le lundi 26 août, ils sont revenus à la table de
négociation pour reprendre les discussions. Le 27 août, ils ont présenté une proposition
en 6 points visant à élargir la participation à
l’ensemble des organisations de représentations sociales et professionnelles au
développement politique, économise, social et culturel de la Colombie.
Cette dernière vise la création d’un Conseil National de la Politique publique,
démocratique et participative qui
incorporerait, le pouvoir exécutif et législatif, les corporations économiques,
les travailleurs organisés, les communautés et les travailleurs
traditionnellement exclus. Ce conseil serait l’instance qui assurerait et protégerait
la sécurité nationale.
À cette première revendication s’ajoutent cinq autres,
ayant toutes une relation avec la participation élargie des diverses
composantes de la société colombienne à divers niveaux des pouvoirs
décisionnels. Par exemple : que les
processus de planification soient démocratiques et participatifs aux étapes de
leur élaboration, de leur discussion, de leur approbation et de leur exécution
à tous les niveaux.
Comme on peut l’imaginer, il y aura là matière à des
échanges intenses où, de part et d’autre, il faudra sauver la face devant
l’opinion publique nationale et internationale.
FAUT-IL
DEMEURER OPTIMISTES ?
Personnellement, je demeure optimiste pour diverses
raisons. D’abord, les FARC-ELN veulent passer au combat politique en
s’intégrant comme bons citoyens et citoyennes à la vie de la société
colombienne. Ils ne veulent toutefois pas
revivre ce qu’ils ont déjà vécu lors de l’Union patriotique.
« Si seulement nous avions pu
former un parti politique sans qu’ils nous tuent, comme ils l’ont fait avec
l’Union Patriotique. Rappelez-vous qu’ils ont assassiné environ cinq mille de
nos compañeros et compañeras. Alors nous avons dû renforcer le côté militaire.
Dans les négociations actuelles, nous ne pouvons refaire les erreurs que nous
avons commises durant celles menées dans la région du Caguan, au sud de la
Colombie [entre 1998 et 2002]. Notre élan militaire était fort avant le Caguan,
et nous avions réussi à occasionner de grandes défaites à l’ennemi.
Lors de ces dialogues, nous avons fait confiance, et quand ils ont été rompus,
l’ennemi a lancé l’assaut avec une grande force puisqu’il s’était préparé
à la guerre. C’était au moment de ce qu’on a appelé le Plan Colombie,
dirigé et armé par les gringos sous le prétexte de la guerre au narcotrafic,
mais pour en finir avec nous, en fait. Mais on s’adapte aux nouvelles tactiques
et aux stratégies de l’ennemi. Après chaque combat ou bombardement, nous en
faisons l’analyse pour décider de la façon de répondre et d’avancer. »
De ce que je perçois, c’est que les FARC-EP sont bien conscients que ces
négociations doivent compter sur la mobilisation de la population et des
organisations sociales de la Colombie. Ils savent, également, qu’ils doivent
élargir leurs appuis à l’international. À
ces deux niveaux, ils agissent à travers leurs communiqués de presse et le
relais qu’en donnent les médias d’information alternative, TeleSURtv.net. et les mouvements pour la paix en Colombie et
dans le monde.
Le plus que dureront ces échanges, le mieux ce sera pour la consolidation
des appuis populaires et la mobilisation sociale.
Pour les FARC-EP, le temps est venu de passer de la clandestinité et des
armes à l’engagement politique à travers les organisations déjà mobilisées en
ce sens.
Une histoire à suivre et à mieux comprendre. Pour ceux et celles qui
pensent que la violence en Colombie est prioritairement due au conflit armé, je
vous transmets les données suivantes :
« Les chiffres officiels sont
70 %
des violences (homicides, déplacements forcés, etc..) sont dues aux
paramilitaires
20 % sont dues aux
guerrillas, Farc et Eln
10 % sont
dues aux forces policières et à l’armée nationale. En fait, les paramilitaires
sont au premier rang. »
Je termine avec cette déclaration conjointe du roi Abdala II de
Jordanie et du pape François , au sujet du conflit en Syrie, lors de leur
rencontre au Vatican, jeudi, le 29 août. (traduction de l’auteur)
« La voie du dialogue et de la négociation entre
toutes les composantes de la société syrienne, avec l’appui de la communauté
internationale, est l’unique option pour mettre fin au conflit et à la violence
qui cause chaque jour la mort d’autant de vies humaines, surtout parmi la
population la plus fragile. »
Cette approche devrait être la même pour le règlement du
conflit en Colombie: toutes les composantes de la société avec l'appui de la
communauté internationale.
Nouvelle de dernière heure : Le président de
Colombie, Juan Manuel Santos, se dit disposer à initier un dialogue de paix
avec l’Armée de Libération Nationale (ELN), qui ne participait pas aux négociations
de paix impliquant les FARC-EP.
Oscar Fortin
Québec, le 27 août 2013-08-27
Quelques liens vous permettant d’élargir votre
compréhension de ce conflit ainsi que celui du processus de paix. Le premier
lien est la compilation de ce qui s’est publié sur le site Le Grand soir. Un
site sérieux, assurant une information alternative basée souvent sur des
articles publiés en espagnol et traduits, pour nous, en français.