À qui ou à quoi peut donc ressembler Dieu? Où est-il et que fait-il dans ce monde de guerres, de tromperies, de déséquilibres, de famines et de crises de toute nature ? Une question pas facile à répondre, d’autant moins qu’Il est, par nature, ce qu’il y a de plus invisible et, par l’imaginaire humain, ce qu’il y a de plus élevé et d’insaisissable.
Beaucoup d’artistes ont imaginé le portrait de Dieu qu’ils ont reproduit sur des toiles que l’on retrouve dans les musées, les basiliques, les cathédrales et les églises du monde. C’est que nous avons besoin de voir, de sentir, d’entendre et, si possible, de toucher. Saint Paul dans sa lettre aux Colossiens, parlant de Jésus, a cette déclaration : « il est l’image du Dieu invisible, Premier-né de toute créature » Col. 1,15. Voilà donc que ce qui était invisible devient visible et que le Dieu inaccessible devient l’un de nous.
Qui est-il donc ce Jésus, image du Dieu invisible? Même si deux mille ans d’histoire nous en séparent, peut-on, à la lumière de ce que nous en racontent les Évangiles, nous en faire une idée? Étant un des nôtres, ne s’est-il pas laissé voir, entendre, toucher, sentir dans son être, dans ses joies et ses souffrances? Les Évangiles ne nous permettent-ils pas de voir ce visage humain de Dieu, d’en saisir les pensées, les émotions, les solidarités et d’en découvrir les traits fondamentaux de sa personnalité?
LA NAISSANCE DE L’HOMME-DIEU EN LA PERSONNE DE JÉSUS DE NAZARETH
Déjà, les prophètes avaient donné des indices de cette naissance en le nommant Emmanuel, Dieu avec nous. Marie, sa mère, en présence de sa cousine Élisabeth, eût cette exclamation que nous reprenons encore aujourd’hui dans le chant du MAGNIFICAT, exclamation qui donne un aperçu de l’espérance qu’il représente déjà pour l’humanité, surtout celle qui n’a pas accès aux banquets des grands et des puissants. Jean-Baptiste, son précurseur, le présente comme Celui qui « baptisera dans l’Esprit Saint et le feu de la purification ». Isaïe, pour sa part, voyant le sort qu’on lui réservera, en donne un portrait passablement éloigné du « beau grand jeune homme aux yeux bleus ». « Comme un surgeon, il a grandi devant lui, comme une racine en terre aride; sans beauté ni éclat pour attirer nos regards, et sans apparence qui nous eût séduits ». (Is. 53) C’est ce même personnage, ce Jésus, que l’Esprit confirmera comme fils de Dieu, lors du baptême reçu de Jean : « Celui-ci est mon fils bien-aimé, celui qu’il m’a plu de choisir. » (Mt. 3,17)
Ce Jésus, présenté avec la force de Dieu, entre dans l’histoire de l’humanité par la porte qui n’a rien de la richesse, de la puissance et du prestige des rois. Toutefois, sa naissance, bien que discrète, attire d’Orient les rois mages et soulève les inquiétudes du roi Hérode qui y soupçonne la main de Dieu et l’effritement de son pouvoir. Ce sera donc pour échapper au bras meurtrier de ce dernier, que lui et ses parents entreront dans la clandestinité et s’exileront, pendant quelques temps, en Égypte. À douze ans, il se permet une escapade au Temple où il impressionne les prêtres par sa connaissance de la loi de Moïse et des enseignements des prophètes. Tout le reste, jusqu’à son baptême dans le Jourdain, est sans histoire. Il vit son adolescence et acquiert la maturité d’un jeune homme sans attirer l’attention. Ses comportements sont ceux de tous les jeunes de son âge.
JÉSUS DE NAZARETH À LA RESCOUSSE DE L’HUMANITÉ
Le Dieu de notre foi s’appelle Jésus de Nazareth. Si son entrée dans le monde s’est faite discrètement, son entrée dans le combat du monde s’est réalisée par le baptême de Jean et un séjour au désert qui sera déterminant pour la suite des choses. C’est là qu’il affronta les trois grandes puissances qui retiennent prisonnière l’humanité dans ce qu’elle est devenue : l’avoir pour se gaver, le pouvoir pour dominer, le paraître pour impressionner. Nous connaissons les réponses qu’il a apportées à chacune d’elles et la distance qu’il a prise par rapport à celui qui s’en faisait le promoteur. Dans le scénario des trois tentations Jésus se révèle être profondément lié à son Père et, de ce point de vue, il témoigne d’une incorruptibilité totale. Il nous dit que l’humanité à laquelle il nous convie prend racine non pas dans l’avoir, mais dans l’être, non pas dans la domination, mais dans le service de la justice et du bien commun, non pas dans le paraître et le prestige des apparats, mais dans la vérité et la simplicité. Voilà, tracée dans ses points les plus fondamentaux, la voie par laquelle Dieu se laissera découvrir et rendra possible l’avènement d’une humanité qu’Il veut toujours à son image.
De retour du désert, Jésus prit donc le bâton du pèlerin pour annoncer la bonne nouvelle à toute personne de bonne volonté. Au temple, où il se rend le jour du sabbat, on lui demande de faire la lecture d’un passage du prophète Isaïe : « L'Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu'il m'a consacré par l'onction, pour porter la bonne nouvelle aux pauvres. Il m'a envoyé annoncer aux captifs la délivrance et aux aveugles le retour à la vue, renvoyer en liberté les opprimés, proclamer une année de grâce du Seigneur. » (…) « Aujourd'hui, ajouta-t-il, s'accomplit à vos oreilles ce passage de l'Écriture. » (Lc. 4, 18-21)
Ses trois années de prédication, de témoignages et de vie partagée avec ceux et celles qui l’accompagnent nous le révèlent profondément solidaire de tous ceux et de toutes celles qui souffrent de ces déséquilibres engendrés par ces trois grandes puissances qui s’arrogent tous les pouvoirs. Il guérit les malades, donne la vue aux aveugles, fait marcher les paralytiques, console les affligés, nourrit les affamés, pardonne aux pécheurs. S’il s’entoure de disciples, il s’attache également des femmes qui l’accompagneront jusqu’au pied de la croix. À Cana, il participera à la fête et au Golgotha, il prendra sur lui la souffrance de l’humanité rejetée. Il est bien présent au cœur de cette humanité qui ne peut demeurer indéfiniment entre les mains de ceux et celles qui se l’accaparent pour eux-mêmes. Il est là pour briser les chaînes de l’esclavage, du mépris et de la dépendance.
Ce Dieu, qui se révèle en Jésus, a en horreur les personnes de mauvaise foi, celles qui ne s’intéressent pas à la vérité, mais à leur vérité et pour lesquelles toutes les manipulations sont bonnes. Leurs armes sont le mensonge déguisé en vérité, la tricherie en héroïcité, les biens mal acquis en aumônes, leurs intérêts en bien commun du peuple. Jésus de Nazareth nous ouvre les yeux sur ce monde qui ne peut d’aucune manière se confondre avec celui qu’il vient réaliser et dont il fait de nous tous les témoins par son Esprit.
Qui est Dieu et où est-il ? Il s’appelle Jésus de Nazareth et il est toujours avec ceux et celles qui luttent pour la justice, la vérité, le respect, la solidarité, le pardon, le don de soi. Le Jésus de la Croix et celui de la résurrection sont la même personne. Le premier exprime dans sa chair le refus par cette partie d’humanité, avare de ses privilèges, de se convertir à une humanité faite pour l’amour, la justice et la paix. Le second est la consécration de sa victoire sur les puissances qui lui auront résisté jusqu’à la fin. Jésus ressuscité est le premier né de cette humanité retrouvée à laquelle nous sommes tous et toutes conviés.
Joyeux Noël à tous et sachons que Jésus est bien là, poursuivant avec nous tous son œuvre d’une humanité qui soit à l’image de Dieu.
Oscar Fortin
24 décembre 2008