« DISSIDENCE EN ÉGLISE »
La dissidence peut-elle s’exprimer en Église? Peut-on être dissident de sa gouvernance sans pour autant cesser d’être membre de cette communauté de foi qu’unit l’Esprit de Jésus de Nazareth dont il est lui-même la Tête?
La dissidence est évoquée particulièrement pour identifier les personnes qui s’opposent radicalement à un régime politique particulier ou à un système de gouvernement spécifique. Les médias occidentaux nous ont habitués aux dissidents de Chine, à ceux de l’ex Union Soviétique et des pays qui en étaient des satellites. Cette dissidence, tout en étant une opposition féroce aux régimes en place, ne privait toutefois pas ses auteurs de leur appartenance au peuple auquel ils s’identifiaient. Par analogie, ne peut-on en dire tout autant de la dissidence en Église, cette dernière étant le Peuple de Dieu. Le croyant, la croyante, peuvent s’affirmer dissident et dissidente de la gouvernance actuelle de l’Église sans pour autant en devenir des exclus ou des hérétiques. Autrement, il faudrait dire adieux aux dons de l’Esprit qui rendent justement possible cette interpellation radicale pour un retour constant à l’essentiel du message évangélique.
Dans ses MÉMOIRES II : UNE VÉRITÉ CONSTESTÉE, Hans Küng nous fait vivre, avec émotion et amples détails, l’histoire de ses combats et démêlés avec les autorités vaticanes : les méthodes utilisées, les procédures juridiques apparentées à celles de l’inquisition d’avant Vatican II et à certains régimes dont l’histoire nous est encore contemporaine.
Ce personnage n’est pas n’importe qui. Sans nul doute l’un des plus brillants théologiens des soixante dernières années. Le plus jeune expert à être nommé par Jean XXIII au Concile Vatican II. Déjà, il avait commencé la rédaction d’un ouvrage qu’il allait publier en 2005: Le Concile et la Réunification. Le renouveau, appel à l’unité. (pp.20-21) Sa trajectoire de théologien et de chercheur trouve son inspiration fondamentale en la personne de Jésus de Nazareth sans lequel aucune Église chrétienne ne saurait exister. Il est donc essentiel de revenir à ce personnage de l’histoire pour en saisir, avec l’aide des connaissances historiques et exégétiques d’aujourd’hui, ce qu’il a été dans sa vie et dans le témoignage que les évangélistes et les premières communautés chrétiennes nous en ont laissés. C’est d’ailleurs à la lumière de cette compréhension rafraichie de Jésus de Nazareth et des Évangiles qu’il invite à relire l’ensemble des enseignements, des doctrines et des dogmes qui se sont greffés à l’histoire de l’Église tout au long de ces deux derniers millénaires.
« Inversement (à Joseph Ratzinger), je demandais que, tout comme la Bible, on soumette l’histoire des dogmes à la critique historique, et je défendais donc une théologie historico-critique mesurée à l’aune du message originel, du personnage et de la destinée de Jésus. » (p.26)
C’est dans cet esprit d’analyse et avec cette méthode de validation qu’il s’est appliqué à une relecture des Pères de l’Église, des dogmes et des doctrines qui en ont émané. Un exercice qui l’a inévitablement conduit à des questionnements fondamentaux sur la manière de les comprendre à la lumière du message originel de Jésus et des réalités contemporaines que sont les nôtres. Cette recherche de la vérité, véritable chaînon d’acier qui le relie au Peuple de Dieu et à la communauté des croyants, se révèle dans ses nombreux écrits dont les plus importants sont : Liberté du chrétien (1967); L’Église (1968) ; Infaillible ? Une interpellation (1971; Être vrai. L’Avenir de l’Église (1968). Beaucoup d’autres titres s’ajoutent évidemment à cette brève liste dont ETRE CHRÉTIEN (1994) qui reprend ses principaux thèmes au service de la foi et du Peuple de Dieu.
En septembre 1970, un symposium réunissant plus de 1000 théologiens de 54 pays, se donne pour objectif l’envol de la théologie postconciliaire. Rahner, Congar, Schillebeeckx et Küng en sont les animateurs. Au nombre des résolutions qui se dégagèrent je n’en citerai que deux qui viennent renforcer l’approche théologique préconisée par Hans Küng. (p.219)
Résolution 4 : « Le message chrétien, c’est Jésus lui-même, C’est lui le Seigneur crucifié, ressuscité et vivant, qui est le critère du message et de l’action de l’Église du Christ. »
Résolution 6 : « Les grandes confessions théologiques et les définitions dogmatiques du passé gardent une signification durable pour l’Église actuelle. On ne saurait pourtant les interpréter hors de leur contexte historique ni les répéter de façon stéréotypée. Pour s’adresser aux hommes d’époques et de cultures différentes, on doit toujours reformuler à neuf le message chrétien. »
LE QUESTIONNEMENT DU SYSTÈME ROMAIN
Au moment où je lisais ces MÉMOIRES, le cardinal Marc Ouellet, récemment nommé par Benoit XVI préfet à la Congrégation pour les Évêques, célébrait en grande pompe son départ pour Rome. Il devenait celui par qui l’Esprit Saint allait choisir et recommander au Saint Père les futurs évêques. Son profil répondait parfaitement à celui qui l’avait nommé et il n’y avait pas de doute que les futurs élus répondraient aux mêmes exigences. Cette pratique, très peu démocratique, ne fut pas sans soulever bien des interrogations sur le rôle des chrétiens et des prêtres dans le choix de leur pasteur.
Hans Küng nous raconte qu’en Suisse, son pays natal, le chapitre de la cathédrale de Bâle est celui qui choisit l’évêque, conformément à un concordat conclu, en 1928-1929, entre les cantons concernés et le nonce pontifical agissant au nom du pape.
« Or, selon ce traité, le droit d’élire l’évêque de Bâle revient exclusivement au chapitre de la cathédrale. Celui-ci peut donc imposer son candidat sans avoir préalablement à consulter ou à informer Rome. (…) Une fois le vote terminé, on doit aussitôt proclamer le nom de l’élu. Sa consécration solennelle peut alors avoir lieu dès que l’on a obtenu la ratification papale. » (pp. 40-42)
Sauf qu’en 1967, deux ans après le Concile Vatican II, Rome a voulu modifier cet accord en s’immisçant davantage dans le processus. Il y a eu des résistances auxquelles a participé Hans Küng en écrivant dans les journaux et en intervenant auprès de diverses personnalités concernées par cet accord. Le résultat fut que le chapitre a pu procéder comme à l’habitude, mais avec une concession de la part du chapitre : le nom de l’élu ne devait plus être communiqué avant que Rome y donne son accord.
« L’annonce du nom de l’évêque élu ne serait plus faite tout de suite, suivant la tradition démocratique, mais seulement après la réception de l’agrément de Rome. » (p.44)
Cette procédure allait donner à Rome la latitude nécessaire pour procéder selon ses intérêts. Les nominations qui lui convenaient recevraient rapidement son accord alors que dans le cas contraire l’attente pourrait se prolonger jusqu’à six mois, comme ce fut le cas, en 1996, avec la nomination de Mgr Kurt Kock.
Les questionnements du théologien Charles Davis
Le choix des évêques n’est évidemment qu’un cas parmi tant d’autres. Le théologien Charles Davis, un théologien que respectait beaucoup Hans Küng, avait eu des démêlés avec le système romain de l’Église. À l’époque, il était officiellement membre de la Commission d’études catholique-anglicane ainsi que du comité de direction de CONCILIUM, cette revue à grand tirage donnait la parole aux théologiens les plus remarqués pour leur compétence et leurs interpellations pour une Église plus près de ses racines et plus à portée des hommes et des femmes d’aujourd’hui. Au moment de quitter l’Église romaine, il avait soulevé des questions qu’Hans Küng a reproduites et qu’il fait siennes.
« L’Église institutionnelle actuelle respectait-elle vraiment le message biblique qu’elle prétendait annoncer et sur lequel elle disait s’appuyer? Était-elle vraiment ce que Jésus avait voulu? Ou n’était-elle qu’une forme dégénérée d’une communauté jadis organisée d’une tout autre façon? Qu’en était-il de la formation de sa doctrine? Celle-ci était-elle véritablement le développement organique des dogmes primitifs? N’en était-elle pas plutôt comme enjolivure historique venant souvent les contredire? Comment fonder sur le message originel de Jésus les récents dogmes mariaux ou les prétentions papales à l’infaillibilité et à la primauté? Comment le magistère fonctionne-t-il pratiquement : aide-t-il les gens à vivre, ou bien ne les sacrifie-t-il pas, eux et leurs besoins concrets (contrôle des naissances, divorces…) à des principes qu’il définit lui-même? Qu’en est-il de l’honnêteté et de la justice dans l’Église? Dans l’Église telle qu’elle existe un théologien peut-il travailler librement en toute honnêteté intellectuelle? (p.47)
Hans Küng aura ce commentaire : « Mais comment ne pas respecter Charles Davis, un homme sans prétention, toujours disponible. C’est un modéré, et non un extrémiste; un théologien aux vues larges. (...) Les questions qu’il posait au système romain restent les mêmes. Ce sont aussi mes questions. » (pp. 47-48)
PRENDRE LA PAROLE ET SE BATTRE POUR LES SANS VOIX
Hans Küng est bien conscient des charismes tout particuliers qui en font un homme de foi, de science, de recherche et de combat. Doté d’une intelligence exceptionnelle, il approfondit ses connaissances dans les principaux champs des sciences humaines : théologie, histoire, exégèse, philosophie, psychologie et psychanalyse. Il opte dès le départ pour une démarche qui va de « bas en haut » et non de « haut en bas ». Jésus est d’abord et avant tout le Jésus de l’Histoire, un Jésus qui a assumé pleinement son humanité. À une juive suisse, venu de Berne à Jérusalem, qui lui demandait, parlant de Jésus-Christ « Qu’est-ce qu’on en a à faire, de cet homme ? » il répondit « en racontant tout simplement comment les disciples juifs de ce Jésus de Nazareth l’avaient vu et compris, ses querelles avec l’establishment religieux juif au sujet de la loi et du Temple, la façon dont les conflits avaient débouché sur une mise en accusation devant le gouverneur romain Ponce Pilate, sur sa condamnation à mort et finalement sur sa mise en croix. Et comme les premiers chrétiens étaient convaincus qu’il n’était pas resté dans la mort… » (p.54)
Il n’avait pas commencé par le haut en disant qu’il était le Fils de Dieu, la seconde personne de la Trinité, l’envoyé du Père…
Membre à part entière de l’Église catholique, il n’entend pas en sortir. Le départ de Charles Davis et celui de bien d’autres n’ont pas ébranlé sa détermination de rester bien ancré dans cette Église catholique, Peuple de Dieu. Nombreux sont ceux qui, en autorité, auraient bien aimé qu’il parte, qu’il aille rejoindre une autre église chrétienne. Il a cette explication :
« J’entends y demeurer non pas à cause de, mais en dépit de sa hiérarchie. (…) C’est bien au milieu de l’ouragan, quand le bateau roule et tangue au milieu des déferlantes et que la situation semble désespérée, que les théologiens doivent être sur le pont en continuant à pousser à la réforme – il s’agit avant tout des gens. Notre mot d’ordre ne doit pas être : « Sauve qui peut », mais : « Tiens bon. »
LA LIBERTÉ DE PAROLE ET DE RECHERCHE THÉOLOGIQUE
Ayant participé à toutes les sessions du Concile Vatican II, Hans Küng y a vu les jeux de coulisses et les stratagèmes déployés par la curie et les courants conservateurs pour soustraire au débat des Pères conciliaires certaines questions sur lesquelles ils souhaitaient garder le contrôle. Ce fut le cas pour le célibat des prêtres, le contrôle des naissances, l’infaillibilité, le mariage mixte. Si la collégialité a été débattue et clairement affirmée, elle aura vite été vidée de son importance par des interventions unilatérales du pape sur plusieurs de ces questions, se prévalant de son infaillibilité.
Il est évident qu’Hang Küng n’est pas resté les bras croisés et qu’il est monté aux barricades pour dénoncer, combattre et, argumenter sur ces façons de faire et sur ces prises de position. Rien pour en faire un allié des autorités vaticanes. Il n’était toutefois pas seul. Congar, Rahner, Schillebeeckx, « sûrement les meilleurs représentants de la théologie postconciliaire » étaient très actifs et devaient composer, eux aussi, avec une Congrégation pour la foi dont le zèle allait souvent au-delà de ses prérogatives. Ils décidèrent donc de rédiger une déclaration sur « la liberté de la théologie » et sur des propositions concrètes de procédures en cas de conflit avec le magistère. Il est important d’en reproduire ici ce qu’en dit Hans Küng. (pp 70-71)
« Les premiers paragraphes, les plus importants, sont un appel à la liberté, « un fruit et une exigence du message libérateur de Jésus lui-même », cette liberté des enfants de Dieu dans l’Église que Paul a proclamée et défendue, celle qui oblige les docteurs à « prêcher la parole opportune et importune, que cela nous convienne ou non ». Notre position est claire : nous sommes parfaitement conscients que, nous, les théologiens, nous pouvons nous tromper. Mais nous sommes convaincus qu’on ne peut éliminer les erreurs théologiques à coups de mesures répressives. Dans notre monde, seule une discussion scientifique, objective et sans contrainte peut y remédier efficacement, « car la vérité a le pouvoir de vaincre par sa propre force ». « Nous admettons avec conviction l’existence d’un magistère du pape et des évêques qui sous la parole de Dieu est au service de l’Église et de sa prédication. Mais nous savons en même temps que ce magistère pastoral de prédication ne peut ni supplanter ni entraver la mission d’enseignement scientifique. Toute forme d’inquisition, si subtile qu’elle puisse être, porte préjudice au développement d’une théologie saine et nuit grandement, au surplus, à la crédibilité de l’Église toute entière dans le monde d’aujourd’hui.
« Nous formulons aussi des exigences très concrètes qui pourraient certes se révéler très gênantes pour la curie romaine, mais qui sont extrêmement importantes pour nous, les théologiens. À commencer par la première : même après leur internationalisation souhaitée par Paul VI, les autorités de la curie romaine, en particulier la Congrégation de la foi, n’échapperont à leur parti pris en faveur d’une orientation théologique précise que si elles prennent clairement en compte la diversité des écoles de théologie et des mentalités actuelles. (point 2)
« S’ensuivent des exigences précises : les consulteurs de la Congrégation de la foi doivent être « des spécialistes excellents et universellement reconnus comme tels ». Leur mandat ne devra jamais excéder la limite d’âge de soixante quinze ans. (point 3)
La commission internationale de théologie que souhaite le synode épiscopal doit elle aussi admettre dans de justes proportions des orientations théologiques et des mentalités différentes. (point 4)
Conformément au droit on devra aussi publier une procédure claire et obligatoire en cas de désaccord avec le magistère. (point 5)
Pour cela nous proposons que, « si…on estime nécessaire une discussion personnelle, il faudra auparavant et suffisamment tôt communiquer au théologien concerné le nom des participants à la discussion, le sujet de celle-ci et le texte complet de tous les avis, décrets, rapports, protocoles et actes importants. Le théologien pourra discuter dans la langue de son choix et se faire assister d’un spécialiste. Il n’existe pas d’obligation de secret. Le protocole de cette discussion signé par tous les participants sera remis à la Congrégation ». (point 6)
La déclaration se termine par le point 7 : « Comme la foi n’est rien sans l’amour, toute préoccupation pour la vérité dans l’Église doit être guidée par les principes de la charité chrétienne. »
Après avoir obtenu l’accord d’une quarantaine de théologiens et théologiennes de diverses nations et disciplines différentes, le texte est rendu public le 17 décembre 1968. Plus de 1360 théologiens et théologiennes de 53 pays, dont Joseph Ratzinger, y ajouteront leur signature.
LE DERNIER MOT À HANS KÜNG
Les derniers chapitres nous font vivre la trame de toutes ces tractations mises en œuvre par la Congrégation de la foi pour discréditer Hans Küng comme professeur de théologie catholique. Ce dernier ne reste toutefois pas les bras croisés pas plus que ses nombreux collaborateurs et sympathisants. Le 15 février 1975, il avait été avisé par la Congrégation de la foi de ne plus enseigner son interprétation du dogme de l’infaillibilité. Passant outre à cette mise en garde il publie dans les années qui suivent son livre L’Église assurée dans la vérité? et écrit l’avant-propos du livre de A. B. Hasler, Comment le pape est devenu infaillible. (p.620) Il n’en fallait pas plus pour que la Congrégation de la foi, dans une déclaration du 15 décembre 1979, affirme que Küng s’est écarté de la plénitude de la foi catholique, qu’on ne peut donc plus le considérer comme un enseignant catholique, et qu’il ne peut donc plus enseigner comme tel. (p.622)
Dans les jours suivants, de nombreuses réactions se manifestèrent en appui à Küng. Je n’en relèverai que quelques extraits. Ses collègues théologiens de l’université : «… Nous constatons que l’Église est en danger de perdre sa crédibilité dans la société actuelle et que la théologie risque de perdre sa liberté de recherche et d’enseignement. » (p.624) Le Schwabisches Tagblatt conclue son commentaire « À l’inverse de ses adversaire, Kung s’est dit prêt à tout moment à poursuivre le dialogue—il veut être entendu, mais non pas comparaître." (627)
Entre temps, un accord entre Mgr Moser, évêque du lieu et Hans Küng, est à l’effet qu’une lettre explicative de ce dernier serait remise directement entre les mains du pape pour qu’il juge de la situation. Dans cette lettre, qu’il travaille avec ses collaborateurs et en consultation également avec son collègue, Walter Kasper, qui constitue une garantie d’orthodoxie devant Mgr Moser, il expose au pape son point de vue. (p. 630)
« Pour moi il ne s’agit pas d’accuser, mais d’interroger, et je suis prêt à soumettre mes idées à un nouvel examen. Je ne traite pas avec dédain de magistère de l’Église : je dois repousser énergiquement ce reproche; mon travail théologique a au contraire toujours visé à le rendre crédible à l’Église et au monde. Je n’ai jamais cherché non plus à ériger mon jugement en règle de vérité, voire à l’opposé au sens de l’Église, mais dans tout mon travail, j’ai au contraire cherché à me guider sur l’Évangile et sur la tradition catholique.
En ce qui concerne le premier concile du Vatican, mon intention n’a jamais été d’en renier les dogmes en remettant en question l’autorité du ministère pétrinien, ou de faire de mon idée le critère de la foi chrétienne, en troublant ainsi la foi du peuple catholique. Tout au contraire, je n’ai fait que demander comment, étant donné, les difficultés théologiques bien connues, on pouvait fonder solidement sur l’Écriture et la tradition la croyance en l’infaillibilité de certaines propositions du concile. C’est pour moi une vraie question, et le débat sur l’infaillibilité qui s’est ensuivi à un niveau international aura au moins eu un résultat : beaucoup de théologiens, dont on n’a jamais songé à contester le caractère catholique, ont reconnu la nécessité et la justesse de cette interpellation.
Je vous prie donc instamment de me croire, quand, parfaitement conscient du risque que je prends, je dis vouloir rendre service à l’Église en lui demandant de clarifier dans un esprit chrétien ce point sur lequel tant de gens achoppent dans l’Église catholique ou en dehors. Cette question est essentielle, précisément en regard de l’entente avec l’Église orientale à laquelle le pape vient de donner une nouvelle impulsion riche d’espérance en instituant à cet effet une nouvelle commission. Cette déclaration est portée par l’espoir que nous pourrons trouver dans un esprit catholique une solution positive au conflit présent et aux innombrables conséquences qui en découlent.
Dr Hans Küng, professeur de dogmatique et de théologie œcuménique de la faculté de théologie catholique et directeur de l’Institut de recherche œcuménique de l’Université de Tübingen. (631-632)
Le 30 décembre 1979, il apprendra, non pas de son évêque, mais « d’un Italien quelconque de la nonciature à Bonn, la décision du pape : négative. Aucune possibilité de rencontre avec le pape. Il s’en tient au retrait de son habilitation ecclésiastique. (p.638)
« Bien que je lui aie plusieurs fois écrit, et encore tout récemment par l’intermédiaire de l’évêque de Rothenburg, en le pressant de m’accorder une audience, le pape n’a pas jugé nécessaire d’écouter personnellement un théologien catholique qui a cherché pendant des décennies à servir l’Église au mieux de sa conscience et de son entendement. On a oublié Jean XXIII et le concile Vatican II. Rome ne supporte manifestement aucune « correction fraternelle », aucune critique loyale, aucun appui fraternel, aucune interpellation lancée dans un esprit de solidarité. On prêche à l’extérieur les droits de l’homme et l’amour chrétien, mais, à l’intérieur, on les méprise, en dépit de toutes les belles paroles. » (p.639)
Oscar Fortin
Québec, le 10 septembre 2010
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