Pour le moment, l’actualité internationale porte davantage sur les conflits au Moyen Orient et en Afrique du nord que sur ce qui se passe en Haïti. Depuis que le second tour aux élections présidentielles, a donné la victoire au candidat Martelly, les informations détaillées sur l’ensemble du scrutin ne cessent d’être reportées d’une date à une autre. Le 20 avril devait être la date butoir pour la transmission des résultats définitifs de cette élection, mais une recherche, faite le 21 avril, ne donne toujours pas ces résultats.
Faute d’une information complète, certaines données sont toutefois disponibles, certaines largement diffusées, d’autres beaucoup moins. Personnellement je me suis intéressé au taux de participation des électeurs et électrices du peuple Haïtien.
La liste électorale officielle comprenait 4, 712, 693 personnes ayant droit de vote. Selon les chiffres compilés, suite au scrutin, le total est de 1, 062, 089, soit 22,5% de l’ensemble de l’électorat. Ce vote se partage ainsi entre les candidats :
Martelly, le candidat de Washington, obtient 717 986 voix, soit 15.23% de l’électorat. Manigat, la seconde candidate, obtient : 336 747 voix, soit 7,14%. Autre sans candidat : 7356, soit 1,03%
Ce dont la presse retient, de même que les alliés de Martelly, ce n’est pas le faible taux de participation de l’électorat haïtien, mais le pourcentage obtenu par le gagnant sur sa plus proche adversaire. Ainsi, on dira que Martelly a gagné cette présidentielle avec 67,6% des votes alors que sa plus proche adversaire n’a recueilli que 31,7% de ces votes. Ce qui fera dire à Michael Jean, cette ex-journaliste de Radio-Canada :
« Les résultats du Président Martelly sont enviables. Combien de politiciens, ailleurs, souhaiteraient avoir une majorité aussi clairement exprimée ? Maintenant, il faudra suivre de très près chacune de ses actions. Qui sera le prochain Premier Ministre ? Quelles seront les priorités de son mandat ? Et surtout, comment honorera-t-il cette grande confiance qui lui a été exprimée par cette élection ? »
Les amis de Radio-Canada s’y reconnaîtront. Cet enthousiasme se fonde sur les 67,6 % des votes obtenus des électeurs et électrices qui se sont rendu aux urnes, passant sous silence le pourcentage réel (15,23%) que ce vote représente par rapport à l’ensemble de l’électorat haïtien.
Pour illustrer cette distorsion des faits, prenons l’exemple d’Évo Morales qui a été élu Président de la Bolivie avec plus de 63% des votes émis aux urnes, donc moins de 4% du pourcentage obtenu par Martelly (67,6%). Si l’analyse s’arrêtait là la tromperie passerait inaperçue et les gens se réjouirait, à l’exemple de Michael Jean, d’une aussi bonne performance, bref, la démocratie à son meilleur.
Mais la vérité devient toute autre à partir du moment où on mentionne qu’en Bolivie, le taux de participation de l’électorat a été de 93% et que celui d’Haïti que de 22,5%. Pour résumer, disons que les 67,6% ne portent que sur les 22,5% de l’électorat haïtien, soit 1,062 089 électeurs et électrices et non sur les 4 712 693 d’haïtiens et d’haïtiennes inscrites sur les listes. Plus de 77% de l’électorat ne se sont pas présenté aux urnes. Si nous prenions ces derniers chiffres en considération ce ne serait plus 67,5 % qu’il faudrait dire mais 15,23% de l’électorat haïtien.
Évo Morales, pour sa part a obtenu plus de 55% de tout son électorat, le plaçant loin en avant de Martelly (55% versus 15%). La différence est majeure et dans les deux cas, la démocratie est de nature fort différente. Le Président qui est élu par plus de 55% de son électorat est plus représentatif du peuple que celui qui est élu avec 15,23% de ce dernier.
Si pareille situation se présentait dans un ou l’autre des pays émergents de l’Amérique latine, que ce soit en Bolivie, au Venezuela ou en Équateur on n’hésiterait pas à réclamer de nouvelles élections, argumentant que la démocratie ne peut se fonder sur un si faible pourcentage de participation. Radio-Canada et bien d’autres seraient là pour illustrer noir sur blanc que le peuple ne peut être représenté par un Président élu qu’avec 15% de son électorat. Démocratie oblige. M. Jean-Michel Leprince et Jean-François Lépine nous illustreraient l’importance d’annuler une telle parodie d’élection et de recommencer le tout sous haute surveillance de la communauté internationale.
À se fier à ce qu’on voit, il en ressort que dans nos démocraties dirigées, l’important ce ne sont plus les électorats, mais les bonnes alliances. Le reste n’est plus qu’une question de « cuisine ». Les recomptages dureront le temps qu’il faudra, pourvu qu’ils permettent d’accommoder, autant faire se peut, ceux qui en tirent les ficelles.
Les rumeurs veulent que M. Martelly n’ait aucune majorité tant au Sénat qu’à la chambre des représentants. On verra bien où les tractations internes conduiront. Les moyens ne manqueront pas pour faciliter les alliances nécessaires.
Oscar Fortin
Québec, le 21 avril 2011
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